Entre deux tours

Cavé Goutte d’Or étend sa consultation aux candidats des 5e et 18e circonscriptions de Paris

  • Sans même évoquer leur rayonnement culturel, les abords protégés de l’église Saint Bernard, unique monument historique de la Goutte d’Or, et la destruction de la Goutte d’Or Sud touchent et concernent trois circonscriptions législatives.
  • L’enquête demandée par Cavé Goutte d’Or sur la décision de 1980 de sacrifier le patrimoine historique et architectural de la Goutte d’Or Sud et celle de 2015 d’octroyer un permis de construire au Diocèse de Paris sur le seuil de l’église Saint Bernard en contradiction avec un arrêté toujours en vigueur est transmise aux six candidats en joute pour le 18 juin.

Les trois circonscriptions législatives touchées/concernées par la politique de l’urbanisme dans le 18e arrondissement. Les points diffus de couleur orange marque « l’espace urbain d’intérêt exceptionnel » situés autour de l’église Saint Bernard et le secteur Goutte d’Or Sud détruit dans les années 1980-1990.

Nos lecteurs se souviennent que les candidats de la 17e circonscription législative de Paris incluant la Goutte d’Or et la Chapelle ont été consultés au cours des dernières semaines déjà sur diverses questions liées à l’urbanisme, à l’habitat et au zonage du quartier, un zonage entrainant à maints égards une rupture d’égalité, plaidée par Cavé Goutte d’Or dans plusieurs dossiers d’urbanisme actuellement pendant devant le Tribunal administratif et la Cour administrative d’appel de Paris, et d’ores et déjà sanctionnée (positivement si l’on peut dire) dans une affaire portée devant les juges par l’association La Vie Dejean (voir notre billet « Sortie de ZUS » et les questions aux candidats).

Si le marché Dejean se situe bien dans la 18e circonscription, juste en-deça de la 17e, sur la frontière administrative marquée par la rue des Poissonniers, les questions qui sont posées par sa gestion municipale et préfectorale sont naturellement diffuses et concernent plus largement l’ensemble du quartier. De même, la protection des abords de l’église Saint Bernard depuis son inscription au titre des monuments historiques en 2012 et son classement le 18 juin 2015, et les conséquences de la démolition / reconstruction de la Goutte d’Or Sud dans les années 1980 et 1990, en violation active de toutes les règles d’urbanisme et d’architecture expressément posées à l’époque, ont une diffusion large et couvrent, pour le moins, les trois circonscriptions identifiées dans ce billet.

La 18e en double marche

Le titre prémonitoires de notre billet du 30 novembre 2014, quand « En marche » n’en avait encore gravi aucune.

D’ailleurs, les candidats encore en lice pour la 18e, Myriam El Khomri (PS) et Pierre-Yves Bournazel (LR) – dont on dit qu’ils se disputent le soutien présidentiel en forme de « couac » (disent les médias généralistes) – connaissent bien la situation.

Ils ont d’ailleurs été déjà inclus dans la première consultation de Cavé Goutte d’Or, du 6 juin denier, et plusieurs autres dans le passé. Alors que Myriam El Khomri, élue PS du 18e arrondissement déjà appelée à des fonctions gouvernementales à la Ville puis à l’État, n’a pas vraiment eu à se prononcer sur les récentes consultations de l’association (elle n’a d’ailleurs pas répondu à celle du 6 juin), Pierre-Yves Bournazel a eu – en revanche – l’occasion (hélas manquée) de défendre les abords de l’église Saint Bernard lorsque le groupe EELV au Conseil d’arrondissement a tenté – il y a presque juste un an, le 20 juin 2016 – de faire classer en espace libre protégé la parcelle diocésaine située à l’angle des rues Pierre L’Ermite et Saint Bruno, où l’OGEC Saint Bernard Sainte Marie avait la funeste idée de construire un édifice brisant l’harmonie de l’espace et les perspectives monumentales de l’église Saint Bernard, comme un arrêté municipal du 14 mars 2012 toujours en vigueur le signalait.

On sait, depuis, que le vote qui a rejeté le vœu vert repose sur un mensonge – un de plus, penseront peut-être nos lecteurs – concernant la protection des abords de l’église Saint Bernard. Le maire adjoint à l’Urbanisme a en effet falsifié devant ses collègues les conclusions de l’étude de l’APUR, évoquée par les Verts à l’appui de leur vœu en ce qu’elle qualifie la parcelle propriété du Diocèse de Paris comme un « espace urbain d’intérêt exceptionnel ». Il lui a fait dire que l’espace ainsi expressément qualifié ne le serait pas (voir carte de l’APUR ci-dessus et compte rendu de la séance conseil du 20 juin 2016).

« Un espace urbain d’intérêt exceptionnel autour d’un édifice de qualité exceptionnel » (François Loyer pour L’APUR). La parcelle litigieuse est bien incluse dans l’espace désigné.

Sur ce mensonge, qui semble vouloir couvrir ce qui s’apparente à une indulgence – le mot convient mieux ici que passe droit – accordée au Diocèse de Paris par la Mairie de Paris, une enquête est sollicitée par Cavé Goutte d’Or parallèlement à sa contestation du permis devant la Cour administrative d’appel.

Quelles que puissent être les suites de cette enquête, la décision émotionnelle du groupe LR (ou UMP) consistant à voter contre le vœu EELV au Conseil du 18e du 20 juin 2016 pour cause de « nécessité de l’agrandissement de l’école (Saint Bernard) parce qu’elle en a besoin et qu’il y a cette école que j’entends et qu’il y a beaucoup d’enfants à accueillir dans de bonnes conditions » (lire l’extrait) n’était, pour le moins, pas à la hauteur de l’enjeu, tant éducatif que patrimonial et social : l’école Saint Bernard – dont la qualité de l’enseignement est reconnue et qui est saluée comme un exemple de mixité réussie dans des abords qui ne peuvent hélas pas en dire autant – pourra en effet parfaitement trouver à s’étendre, y compris sur cette parcelle, sans porter atteinte au patrimoine historique et architectural situé littéralement à ses pieds (voir le projet constructif de Cavé Goutte d’Or).

5e circonscription :
Lariboisière qui cache la forêt

Le quartier de la Goutte d’Or avant sa démolition (Photo Benoit Perrin, 1984).

Entre les 5e et 17e circonscriptions, correspondant sur ce tronçon-là, aux 10e et 18e arrondissements, court le métro aérien menant de Barbès à Stalingrad par La Chapelle. On sait qu’un ambitieux projet lancé par Action Barbès (suivi ici depuis 2013), soutenu par les maires (PS) des deux arrondissements concernés, consiste à transformer l’espace au sol.

Selon un récent papier de la journaliste du Parisien accréditée au secteur, dont les articles prêtent hélas souvent à caution (dernier exemple), « si l’idée de réaménagement de ces lieux inhospitaliers fait l’unanimité parmi les habitants et les responsables associatifs, les idées, pour occuper l’espace, qui ont jailli des travaux coordonnés par l’Atelier d’architecture autogérée (AAA), sont loin de séduire les riverains » (Le Parisien, 18 mars 2017). Il est vrai que l’hôpital Lariboisière (dont plusieurs éléments ont été inscrits au titre des monuments historiques en 1975 déjà, lorsque commençait à émerger l’idée de sacrifier le patrimoine architectural historique de la Goutte d’Or toute proche, notamment son fameux carrefour en croix de Saint André juste derrière le mur de l’hôpital) n’a pas empêché que les abords deviennent « inhospitaliers », comme le pose avec une certaine justesse Le Parisien.

Nul doute que les candidats demeurant en lice pour le second tour des législatives 2017 dans la 5e circonscription, Seybah Dagoma pour le Parti Socialiste et Benjamin Griveaux pour La Répubique En Marche, sauront voir derrière le boulevard et veilleront aux abords légalement protégés situés entre deux monuments historiques, l’hôpital Lariboisière et l’église Saint Bernard. Ce sont donc désormais six candidates et candidats, sur trois circonscriptions, que la consultation de Cavé Goutte d’Or plonge dans l’histoire passée et à venir du quartier : Béatrice Faillès (LREM) et Danièle Obono (LFI) ; Myriam El Khomri (PS) et Pierre-Yves Bournazel (LR) ; Seubah Dagoma (PS) et Benjamin Griveaux (LREM).

« Non à la destruction du quartier », banderole de Paris-Goutte d’Or posée au haut de la rue de Chartres en 1983, captée par la caméra de Benoit Perrin pour en faire une carte postale de Montmartre en 1984 (détail).

La carte postale illustrant ce billet montre une vue de la basilique du Sacré Cœur depuis la rue de Chartres. La vue est présentée comme une vue de Montmartre mais elle est aussi une vue de la Goutte d’Or très parlante pour notre propos. On y distingue, à la hauteur de la camionnette jaune, le carrefour en croix de Saint André tel qu’il était encore avant 1984 et, en fond, la rue de la Goutte d’Or au carrefour des les rues de Chartres et de Caplat. D’un bâtiment du haut de la rue de Chartres part une banderole sur laquelle on peut lire : « Non à la destruction du quartier ». La banderole date de 1983. Elle a été fabriquée et posée par Paris-Goutte d’Or avant que l’association ne se range finalement à la thèse des démolisseurs. La photographe Benoit Perrin est passé peu après. La carte postale éditée en 1984 est recensée comme pièce à conviction de collection sur le site eBay où, en cherchant un peu, il semble que les stocks soient épuisés, – à moins que ce ne soient les enchères d’eBay qui soient terminées.

À suivre.

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