Paris I hors les murs

Cavé Goutte d’Or franchit le faubourg de Gloire !

La rue Marx-Dormoy (crédit photo : parislachapelle.over-blog.com)

Les lecteurs du blog se souviennent que le faubourg de Gloire est l’ancien nom que portait la rue Marx-Dormoy, ci-devant rue de la Chapelle (nom conservé en partie nord) qui sépare aujourd’hui officieusement les quartiers de La Goutte d’Or et de La Chapelle.

Le nom de « faubourg de Gloire », qu’on trouve encore aux Archives de Paris sur les plans de l’ancien cadastre napoléonien (carte D6P2/4/1/1), lui vient de la fréquence des cortèges royaux qui l’empruntaient de Paris à l’Abbaye de Saint Denis.

À l’occasion des Journées d’études sur l’habitat parisien entre réhabilitation et substitution, organisées à l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) par l’association pour la Sauvegarde et la Mise en valeur du Paris Historique et l’HiCSA de l’Université Paris I (voir sur le blog), l’association Cavé Goutte d’Or avait été invitée par les organisateurs à préparer une promenade du quartier illustrant le thème du colloque et embrassant les opérations d’aménagement de la Goutte d’Or et de la Chapelle.

L’Aquila di cemento

Entre la matinée du lundi 2 juillet, consacrée au cas emblématique des constructions autour de la Ville de L’Aquila, chef-lieu des Abruzzes victime du séisme d’avril 2009, avec une présentation du voyage d’étude de Paris I à L’Aquila en mai 2012 et la projection du film L’Aquila di cemento (le bétonnage de L’Aquila, 2010) de Luca Coccoccetta, salué à la Biennale d’architecture de Venise de 2011, et l’étude foisonnante de cas pratiques conduisant, le mardi 3 juillet, les participants sur divers immeubles parisiens et, après une escapade dans la célèbre cité du Lignon près de Genève, sur le chantier de l’hôtel de Mercy-Argenteau, boulevard Montmartre (pour l’ensemble du programme : voir le site de Jean-François Cabestan), les organisateurs avaient planifié une réflexion autour du quartier de la Goutte d’Or en présence de l’architecte Maurice Culot, auteur de La Goutte d’Or, faubourg de Paris, ouvrage de référence codirigé avec Marc Breitman et paru en 1988 aux Éditions Hazan à Paris et aux Archives d’Architecture Moderne de Bruxelles, suivie d’une visite in situ où, le livre de Maurice Culot en mains, les participants pouvaient suivre les aménagements des opérations Goutte d’Or Sud et Château Rouge.

Sophie Ristelhueber, 1988.

 La Sorbonne au Culot dans la Goutte d’Or

Sous la houlette du professeur Cabestan, un groupe d’une quarantaine de personnes fut ainsi conduit de la station de métro Barbès-Rochechouart (La Goutte d’Or) au Secteur Dupuy entre la rue Marx-Dormoy et la nouvelle ZAC Pajol (La Chapelle) avec quelques haltes remarquées :

  • sur le pavé de la délicieuse place de la poste des Islettes, baptisée place de l’Assommoir pour faire croire ;
  • devant la villa Poissonnière toujours en travaux, hélas, travaux qu’une partie des troupes brava tout en douceur pour saluer les maisons de l’époque Louis-Philippe illustrant la couverture de l’ouvrage de Maurice Culot (ci-dessus) et décrites aux pages 240 à 247 ;
  • dans la cour du bloc de logements dits « sociaux » de l’angle Goutte d’Or/Gardes avec une pensée toute particulière pour les vitrines des anciennes « Lectures gourmandes », lieu de réinsertion raté(e) laissé depuis plusieurs années dans un état de crasse et d’abandon désespérant par Paris Habitat, le sémillant promoteur immobilier toujours présidé par Jean-Yves Mano, adjoint de Bertrand Delanoë au Logement ;

Les « Lectures gourmandes » de Paris Habitat (2012).

  • devant la pointe disparue de la rue de la Goutte d’Or, dont Maurice Culot avait entretenu les participants au colloque plus tôt dans l’après midi (voir p. 205-211 du livre), pointe cassée aujourd’hui, occupée par la terrasse du restaurant qui l’occupait avant la casse, terrasse elle-même squattée par un groupe de jeunes gens qui en volent l’espace et les chaises sous le nez des policiers juste en face, surchargés par leurs interventions au square Léon juste en dessus ou au 20 rue Léon juste plus haut… ;
  • sous les colonnes de Turnhauer conduisant des « Lectures gourmandes » à la pissotière de la placette formée par les rues de la Goutte d’Or, de la Charbonnière, de Jessaint et Pierre l’Ermite, colonnes dont l’architecte Turnhauer se dit très fier dans le film de Sami Sarkis (Pour tout l’or d’une goutte) et pissotière dont un de nos correspondants nous signale qu’elle aurait pour seul objet de casser l’agora spontanée du samedi matin qui trouve naturellement sa place sur ce lieu central à deux pas du grand marché du samedi et doit s’agglutiner désormais autour d’une sanisette Decaux fuyante;
  • sur les escaliers Boris Vian, faisant eux-mêmes déjà largement office de pissotières sauvages (voir derniers développements sur le blog) ;
  • dans l’église Saint Bernard, ouverte spécialement pour la circonstance ;
  • sur le sol de mosaïques de l’Olympic au 20 rue Léon, avec son magnifique bar en acajou et les vitraux de la cage d’escaliers…
2 juillet. Visite guidée de l’église Saint Bernard (photo Gaël Coto).

Puis, une fois empruntée la rue Doudeauville offrant quelques belles échappées sur de jolies cours, le groupe salua le stoïcisme de l’immeuble pris en tenaille par le chantier du futur Institut des cultures d’islam à l’angle des rues Stephenson et Doudeauville et franchit les voies de chemin de fer du Nord pour joindre le secteur Dupuy où une maison de faubourg de 1830 située au 83bis rue Philippe de Girard est en danger.

83bis Philippe de Girard (photo CGO).

La Restauration de Juillet

C’est autour du vœu de restauration de la belle maison de faubourg du 83bis rue Philippe de Girard (dont le murage et le grillage empêchent provisoirement d’apprécier tout le ramage) que, sans jeu de mots trop facile, le groupe des Journées d’études des 2-3 juillet s’arrêta en une belle cour arborée pour un apéritif célébrant 1830, année charnière entre la Restauration et la monarchie de Juillet, autour d’un même verre, non sans saluer au passage et en voisins la modernité du XXIe siècle encore jeune par une visite guidée des désormais fameux logements Pixels de l’impasse Dupuy, déjà présentés ici.

83bis rue Philippe de Girard et 6 impasse Dupuy : des rapports de bon voisinage ?

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Une « démolition dommageable »

Souhaitée par la SIEMP dans le cadre d’une opération immobilière de grande envergure sur le secteur Dupuy, la démolition du 83bis rue Philippe de Girard est jugée « dommageable » par l’architecte des Bâtiments de France (ABF). Des riverains de cette maison invoquent devant le juge le dommage signalé par l’ABF et les demandes de conservation de l’immeuble présentées dans deux résolutions de la Commission du Vieux Paris en mai 2010. Avec le soutien des riverains et de l’Association pour la Sauvegarde et la Mise en valeur du Paris Historique, Cavé Goutte d’Or lance sur ce blog une campagne tendant à sauver le 83bis rue Philippe de Girard et à travailler la notion de « dommage au patrimoine commun ». Voir présentation et développements dans notre article : « Dommageable mais pas coupable ? ».

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En chemin de la Goutte d’Or à la Chapelle via la rue Marx Dormoy, ne manquez pas le Bois Dormoy, que – tout à ses coquelicots – notre blogmaster a confondu l’autre jour avec le Bois dormant.

Message subliminal : Bert avait besoin d’une sieste. Il est parti dormir quelques jours avec la belle du bois dormant. Bonnes vacances !

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