Angle Myrha/Affre

Louis-Philippe pris dans la masse

  • Le projet architectural à l’instruction se veut ambitieusement mimétique avec l’architecture ‘‘sociale’’ de la Ville de Paris
Angle

Angle Myrha/Affre. Photo montage extrait du dossier déposé en Mairie le 4 juillet 2013.

On sait que l’association Cavé Goutte d’Or est très engagée sur cet angle très convoité qui réunit trois parcelles et quatre adresses : les 5 rue Myrha, 7 rue Myrha, 32 rue Affre, 30 rue Affre.

Son recours au Tribunal administratif de Paris contre une décision de la DRAC refusant d’inscrire l’immeuble d’époque Louis-Philippe du 5 rue Myrha aux Monuments historiques au motif que « (sa) mention au PLU constitue une mesure de protection suffisante » suit son chemin.

La requête déposée le 24 avril 2013 a été transmise par le Greffe du Tribunal au Préfet d’Île de France le 21 juin avec un délai de deux mois pour y répondre. Sauf demande de délai complémentaire, la prochaine étape est donc attendue pour la fin du mois d’août 2013, ce qui laisse le temps de se déployer aux activités culturelles que la Ville de Paris organise savamment sur les friches ‘‘libérées’’ (pour le dire comme elle) des immeubles faubouriens qui les occupaient jusqu’ici.

En l’occurrence, c’est à des artistes en arbres morts (les arbres, pas les artistes) que la friche est confiée, le temps de l’instruction des autorisations d’urbanisme.

Tilleuls renversés (Photo MG).

Les tilleuls renversés. Opération artistique de la Mairie de Paris (Photo MG).

Consultation démocratique

On doit à la vigilance des riverains immédiats de cet angle, qui avaient déjà combattu la démolition du 7 rue Myrha dans un recours gracieux auprès du Maire de Paris, puis contentieux devant le Tribunal administratif de Paris en 2011-2012 (voir notamment sur le blog nos billets des 14 juin 2012 et 13 décembre 2012), la possibilité d’un dialogue préalable au permis de construire avec l’opérateur immobilier, l’architecte et la Mairie d’arrondissement. Il faut d’autant plus saluer ce dialogue que les riverains des 22-24 rue Cavé en ont été privés, au motif peu sérieux qu’ils n’auraient « rien demandé » (voir sur le blog : « Paris Habitat installe en catimini un observatoire sur le checkpoint du square Léon »).

De fait, sinon encore de droit à en croire la Mairie du 18e, quelques riverains, membres ou non de Cavé Goutte d’Or, ont ainsi participé à une présentation en Mairie du projet par l’Atelier d’Architecture Téqui le 23 mai 2013 à l’invitation du maire adjoint à l’Urbanisme et au Logement, M. Michel Neyreneuf, et en présence de représentants de l’opérateur Batigère.

À l’issue de cette présentation au demeurant sympathique et « productive », comme l’a qualifiée M. Neyreneuf en précisant qu’il avait été tenu compte de certaines propositions du voisinage dans la version des plans déposés le 4 juillet 2013, l’association a adressé une note aux divers participants.

Option ‘‘un seul immeuble’’

Des appréciations écrites de Cavé Goutte d’Or, on retient notamment le regret que l’appel d’offre du 16 février 2012 ait imposé à l’architecte l’option ‘‘un seul immeuble’’ (« entrée unique, circulation unique, etc. »). Ce choix touche en effet à l’intégrité du 5 rue Myrha, qui – sous réserve de ce qui pourra être décidé de l’escalier – ne saurait être vraiment conservé sans son entrée et son rez-de-chaussée propres.

5 rue Myrha cour (Photo JRB).

5 rue Myrha côté cour (Photo JRB).

Les effets sur l’édifice Louis-Philippe de l’option ‘‘un seul immeuble’’ sont renforcés par le parti (de l’architecte ? de l’opérateur ? de la Mairie ?) d’y installer l’entrée principale du nouvel ensemble immobilier, lui-même considéré comme « une extension » du 5 rue Myrha, l’adresse devant ainsi accueillir le hall, les boîtes aux lettres et les locaux techniques d’une quinzaine de logements dans la conception moderne propre à ces espaces communs (voir la notice architecturale).

Les riverains participant à la réunion du 23 mai se sont par ailleurs inquiétés de la disparition des boutiques en rez-de-chaussée, qui font incontestablement partie de la façade du 5 Myrha, dont le maintien a été posé comme une condition impérative dans l’option la plus minimaliste de la préservation de cet immeuble évoquée par la Délégation permanente (DP) de la Commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS) en amont de la décision de la DRAC se rangeant à la position de la Ville de Paris sur la « protection suffisante » que donnerait au 5 rue Myrha son inscription au PLU.

L'angle Myrha/Affre dans son environnement vu de l'intérieur.

L’angle Myrha/Affre dans son environnement vu de l’arrière du 6 rue Cavé (Photo BB).

Rappelant que la décision de la DRAC est contestée au motif précisément que la protection municipale est – en l’occurrence – non garantie, Cavé Goutte d’Or met l’accent sur l’imprécision de ce qui doit être garanti et les atermoiements autour de cette protection depuis plusieurs années (voir « Qui peut le PLU peut le moins ? »).

Encore aujourd’hui, certains experts souhaitent le maintien de l’immeuble dans sa totalité (Commission du Vieux Paris notamment), d’autres semblant se satisfaire du maintien de sa façade rue, le conservateur régional des monuments historiques évoquant même le maintien de la façade au mode conditionnel : « (…) la façade devrait être restaurée à l’identique (…) ».

Dans sa note aux architectes, opérateurs et décideurs, l’association Cavé Goutte d’Or a ainsi expressément proposé que les instances patrimoniales qui se sont penchées sur le 5 rue Myrha soient invitées à collaborer à titre amical à l’élaboration des plans consacrant son intégration dans l’ensemble immobilier à venir.

Elle n’a, à ce jour, pas reçu de réponse sur ce point.

Option mimétisme angulaire

Sur les questions plus techniques, Cavé Goutte d’Or s’est inquiétée de l’aspect massif de l’angle et de l’effet barre d’immeubles de son retour sur la rue Affre, donnant au nouveau projet un air de ‘‘déjà vu’’ dans les angles de la rue Myrha.

Si la deuxième préoccupation semble avoir été considérée en créant une verticalité fictive pour marquer ce qui avait été le 30 rue Affre, l’effet massif de l’angle vient, à ses yeux, d’abord du pan coupé apparaissant comme une superposition décalée de blocs, dont l’aspect ‘‘bloc’’ précisément est augmenté par le décalage, puis de fenêtres d’angle démesurées, manquant à la modestie ambiante, notamment au regard des trois adresses dans lesquelles le nouvel immeuble devra s’intégrer : le 5 Myrha à protéger, le 28 Affre (témoin des années 1840 dont les baies cintrées du premier étage sont encore soigneusement dessinées) et le 9 Myrha/21 Affre dont le 7 Myrha/32 Affre récemment démoli était le pendant dans une harmonie parfaite.

Cette harmonie paraît rompue par le projet, suggère la note de Cavé Goutte d’Or adressée à ses promoteurs et, sous réserve des modifications qui pourront encore être apportées, on peut s’interroger sur le respect de l’article UG.11.1.3 du PLU en vigueur, selon lequel :

  • « Les constructions nouvelles doivent s’intégrer au tissu existant en prenant en compte les particularités morphologiques et typologiques des quartiers (rythmes verticaux, largeurs des parcelles en façade sur voies, reliefs…) ainsi que celles des façades existantes (rythmes, échelles, ornementations, matériaux, couleurs…) et des couvertures (toitures, terrasse, retraits…) ».

Habitant un quartier dont ils savent l’architecture saluée à la fois pour sa richesse et sa modestie dès son lotissement en 1840 (cf. notamment Marc BREITMAN, Maurice CULOT et autres, La Goutte d’Or. Faubourg de Paris, 1988), les riverains du projet d’ATT ne méconnaissent pas que la disposition précitée du PLU « ne doit pas pour autant aboutir à un mimétisme architectural pouvant être qualifié esthétiquement de pastiche » et, avec les rédacteurs du PLU, ils souhaitent que « l’architecture contemporaine puisse prendre place dans l’histoire de l’architecture parisienne » (art. UG.11.1.3, alinéa 2).

La covisibilité prend racine.

Une covisibilité qui prend racine.

Se souvenant de l’opinion de l’architecte des bâtiments de France Dominique Herla-Doucot, qui regrettait la démolition du 25 rue Stephenson/2 rue Cavé en le désignant comme « un exemple modeste et très juste d’angle » (lien), ils espèrent que l’ABF qui sera chargé d’exprimer un avis conforme sur le projet AAT en raison notamment de sa covisibilité avec l’église Saint Bernard désormais inscrite au Monuments historiques saura, à son tour, rendre modeste et juste l’angle de ce projet et lui offrir une meilleure chance d’intégration aux immeubles de caractère que sont les 5 Myrha, 9 Myrha, 28 et 21 Affre parties d’un secteur patrimonial devant bénéficier de la protection accordée à l’église Saint Bernard.

* La demande de permis de construire enregistrée le 4 juillet 2013 est parue au Bulletin municipal officiel du 26 juillet 2013.

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