Course contre la montre

La SEMAVIP accélère ses chantiers pour leur épargner le Tribunal 

            La semaine écoulée a connu quelques étranges découvertes dans le sous-sol du 25 rue Stephenson (voir notre article : « Archéologie préventive ») et une précipitation panique des démolisseurs de la Goutte d’Or, qui s’en prennent désormais au 24 Cavé et au 7 Myrha.

            Le mouvement a été lancé par un message codé de l’adjoint au maire du 18e chargé de l’urbanisme, M. Michel Neyreneuf, envoyé à ses troupes depuis les bancs du Conseil d’arrondissement du lundi 10 octobre 2011 qui a consacré plus d’une heure à l’urbanisme des opérations Goutte d’Or Sud et Château Rouge (cf. Vidéo). 

            Le message codé était constitué de trois négations :

  • « Je n’ai pas trouvé de photo du 25 rue Stephenson », devait en effet déclamer sans rire le patron du logement et de l’urbanisme à la minute 17 du déroulé des opérations ;
  • puis : « On n’est pas chez nous » à la minute 24, assertion censée exonérer l’Administration du 18e du massacre de la mémoire des deux immeubles jumeaux de l’angle Myrha/Léon (cf. « Impact »), dont la Commission du Vieux Paris avait demandé une reconstruction respectueuse de l’angle ancien et où Genier-Deforge a installé une boulangerie (cf. « Panem et circenses ») ;
  • enfin : « Je ne suis pas Saint-Just » à la minute 37, boutade censée écarter toute étude sur les responsabilités engagées dans la dégradation des 24 rue Cavé et 5-7 rue Myrha laissés à l’abandon pendant les cinq dernières années.

            La conjonction des trois négations devait signifier quelque chose comme : « Allez-y, vous êtes couverts ». En forme négative : « Vous ne risquez rien ».

Le 24 Cavé abandonné aux pigeons et aux déconstructeurs (GC)

            Pour l’analyse du débat suscité au Conseil d’arrondissement du 18e par le vœu des conseillers Vert Pascal Julien et Sylvain Garel, vœu qui lui-même rencontrait certaines des préoccupations du Collectif Cavé Goutte d’Or, notamment sur la demande de la Commission du Vieux Paris en faveur d’un bilan d’étape urgent concernant « des démolitions beaucoup plus nombreuses que prévu », le lecteur pourra se référer à notre article « Le bilan d’étape à l’œil ».

            Ici, juste un mot, saint juste un mot, pour rappeler que deux bâtiments objets de recours, l’un contentieux en excès de pouvoir devant le Tribunal administratif contre le permis de démolir le 24 rue Cavé, l’autre gracieux auprès du Maire de Paris contre le permis de démolir le 7 rue Myrha, devaient connaître cette semaine des développements importants, développements mis en péril par les menées intempestives des démolisseurs.     

Le 24 Cavé à la barre

            Devant la pose d’échafaudages indiquant sa démolition imminente, les riverains qui, avec le soutien du collectif Cavé Goutte d’Or, avaient introduit le 16 mai 2011 un recours en excès de pouvoir contre le permis de détruire le 24 rue Cavé ont en effet déposé un référé suspension le 4 octobre 2011, au lendemain de la discussion houleuse du texte écrit du vœu de Pascal Julien qui devait être débattu au Conseil de Paris une semaine plus tard, le 10 octobre.

           Dès la nouvelle taxe de 35 € déposée au Tribunal, le 10 octobre justement, une date d’audience était fixée en urgence pour ce 19 octobre 2011 à 10 h 30. Entre-temps serait tombé, le 17 octobre, le délai imparti par le Tribunal administratif à la Ville de Paris et à la SEMAVIP pour déposer leurs conclusions en défense au fond suite à la requête des riverains du 16 mai 2011.

Le 24 Cavé sur son 31 pour aller plaider

             C’est ainsi bien au nez et à la barbe du Tribunal administratif, dans la semaine où l’immeuble du 24 rue Cavé est inscrit deux fois à l’agenda du greffe, avant de répondre à la requête introductive d’instance (ce qui n’est pas illégal, les recours n’étant pas suspensifs) et au moment précis où les requérants demandent la suspension provisoire du permis jusqu’à jugement au fond (cela est plus irrespectueux), que la SEMAVIP, avec le soutien actif de la Mairie de Paris et de celle du 18e, en a entrepris la démolition.

            On se souvient qu’elle avait tenté le même exercice, début janvier 2011 avec le 25 rue Stephenson, demandant un report de la date de dépôt de ses conclusions en défense en même temps qu’elle annonçait le lancement des travaux. Plus rapide encore cette fois-ci, la SEMAVIP a entrepris la démolition avant de répondre au juge.

Sursis douteux pour le 7 rue Myrha

            Deux riverains du 5 et du 7 rue Myrha ont déposé le 15 juillet 2011, également avec le soutien et l’assistance technique du collectif Cavé Goutte d’Or, un recours gracieux contre le permis de démolir le 7, immeuble d’angle correspondant aussi au 32 rue Affre.

Angle 5-7 Myrha / 32-30 Affre

            À l’occasion des rencontres organisées par Cavé Goutte d’Or pour les Journées européennes du patrimoine, les 17 et 18 septembre derniers, les deux riverains ont pu rencontrer l’adjoint au maire du 18e Pascal Julien, chargé de l’environnement (EELV), et l’architecte qui avait élaboré un projet de réhabilitation du 5 rue Myrha, bâtiment Louis-Philippe dont la façade en tout cas avait fait l’objet d’un vœu pour son maintien. Rencontre fructueuse devant découler sur une nouvelle réflexion sur le devenir de cet immeuble et, avec lui, de l’angle Myrha/Affre auquel les riverains voudraient éviter le massacre connu un peu plus haut à l’angle Myrha/Léon.

            Ils ont ensuite demandé audience à l’adjoint au maire du 18e chargé de l’urbanisme, qui leur a indiqué que la question était actuellement, pour arbitrage, entre les mains du maire de Paris, maire de Paris qui n’a pourtant jusqu’ici donné aucun signe de vie ni d’intérêt suite au recours gracieux du 15 juillet dernier, et maire de Paris dont le conseiller Vert Sylvain Garel n’a pas manqué de dire, dans ces pages, qu’il n’avait, au contraire, aucun pouvoir décisionnel en la matière, pouvoir abandonné de pleine grâce par Bertrand Delanoë à Daniel Vaillant et par Daniel Vaillant à Michel Neyreneuf (voir : « Démocratie municipale et urbanisme parisien »)

            À en croire donc l’entretien que nous a accordé Sylvain Garel, quand l’adjoint au logement et à l’urbanisme du 18e raconte à ses administrés qu’une question est entre les mains du maire de Paris, c’est qu’elle est – en langage à peine codé à nouveau – entre les siennes propres.

Mani pulite

            De fait, selon le compte rendu qu’ils ont bien voulu adresser à Cavé Goutte d’Or de leur entretien privé avec le patron de l’opération Château Rouge (patron de fait et non de droit comme nous l’observons dans notre article « Un bilan d’étape à l’oeil »), une nouvelle étude serait en cours pour réhabiliter le 5 Myrha ; elle aurait l’avantage, par rapport à l’ancienne étude, de ne pas garder seulement la façade mais l’ensemble du 5 Myrha qui serait réhabilité. »

Façade du 5 Myrha

            « L’inconvénient, poursuivent-ils, c’est que cela impliquerait la destruction complète du 7 Myrha/32 Affre afin de faciliter l’accès au 5 Myrha par un escalier et un ascenseur construit sur le 7. Cela augmenterait le coût du projet de 1000 € par m² ». Et les riverains d’indiquer avoir fait part à leur interlocuteur de leur vœu de garder le 7 Myrha/32 Affre, option qu’ils défendent astucieusement en proposant un accès sur le 5 Myrha à partir du 30 Affre (voir les parcelles correspondantes n° 85, 86 et 87 sur l’extrait de cadastre joint).

            Pendant l’entretien qu’ils avaient en Mairie avec le maître des opérations, la SEMAVIP inspectait les lieux et en débarrassait les quelques éléments humains ou commerciaux qui les occupaient encore, puis marquait le territoire de passages provisoires pour piétons et d’interdits divers, autant de signes indiquant l’installation très prochaine de nouveaux checkpoints. La démolition du 7 Myrha est manifestement à son tour imminente.  

            Au moment où nous mettons cet article en ligne, les auteurs du recours gracieux nous informent en avoir envoyé une nouvelle copie à M. Delanoë, ce qui ne mange pas de pain ; d’autres riverains étudient plus juridiquement la possibilité d’un recours contentieux assorti d’un référé suspension. À suivre donc.

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