Marque déposée

Le triangle d’Or de la Goutte d’Or

  • En matière immobilière, le nom désigne souvent le quartier de Paris délimité par les avenues Montaigne, des Champs-Élysées et Georges V.
  • Loin de tout cela, le triangle d’Or de la Goutte d’Or désigne ici le secteur Boris Vian, Polonceau, Arcades Goutte d’Or actuellement en requalification urbaine contre les préjugés qui en ont fait un lieu meurtri.
  • La Ville présente d’ailleurs ce projet comme « un projet de renouvellement urbain qui concerne tout le sud de la Goutte d’Or », expression qui doit encourager les habitants du quartier à s’approprier ce secteur et à veiller – jusque tard – à l’œuvre réparatrice actuellement en concertation. 

« Un projet de renouvellement urbain qui concerne tout le sud de la Goutte d’Or », présentation officielle du « Projet de requalification de la rue Boris Vian et de la rue de la Goutte d’Or », Comité de suivi n° 1, 20 mai 2019 (voir l’image et ses légendes).

On se souvient qu’après plusieurs péripéties, un « Comité de suivi » a finalement vu le jour, le 20 mai dernier, pour suivre (c’est écrit dans son nom) ce qu’Anne Hidalgo appelait, il y a juste un an, « le partage d’information et l’appropriation du projet », – un projet de « requalification profonde et durable de (la rue Boris Vian) et, plus largement, des arcades de la Goutte d’Or et de l’ensemble du quartier », précisait la maire de Paris dans une lettre à la présidente de la Cohérie Boris Vian (lettre d’Anne Hidalgo à Nicole Bertolt du 6 juin 2018).

« Requalification profonde », « restructuration », « rénovation », « renouvellement », « démolition-reconstruction »,… dans les méandres du langage urbanistique, nous avons déjà favorisé ici le mot réparation : il s’agit en effet de réparer, autant que faire se peut, les dégâts causés au quartier par la décision politique de le démolir et de le reconstruire pauvrement (sur la démolition politique de la Goutte d’Or Sud, lire ici).

Le blog a présenté la première session du comité de suivi en suggérant, dès le lendemain, que la Ville de Paris avait été invitée par l’assistance à revoir sa copie (ici pour mémoire), ce qui est en réalité le propre d’une concertation. Le compte-rendu du Conseil citoyen du 18e arrondissement de Paris (CCP18) avait évoqué, dès le 21 mai lui aussi, cette première « réunion descendante », comme l’appelle joliment Gertrude Dodart, représentante du CCP18 au Comité de suivi, en invitant notamment les organisateurs à une plus grande rigueur puisque aussi bien, à lire le CR du CCP18 on ne savait pas trop qui cosuisait quoi dans les instances du Cosui (petit nom dont on rappelle qu’il est au Comité de suivi ce que le Copil est au comité de pilotage):

  • « Les autres personnes aux côtés des institutionnels, ne savaient pas encore si elles faisaient partie du Comité de suivi. Rien ne nous sera dit durant cette réunion quant à l’organisation et la composition de ce groupe. Toujours est-il que nous avions reçu comme d’habitude plus de dix mails pour venir participer à cette réunion. Preuve de la volonté d’avaliser les décisions ? » (sources : CR CCSP 18).

Y a quelqu’un ?

Après plusieurs relances demandant à ce que les participants reçoivent ce dont ils avaient été privés durant la séance (« Tous les officiels tenaient en main un feuillet de 17 pages que les autres participants découvraient en projection à l’écran », observe encore le Conseil citoyen), la Mairie du 18e n’a transmis finalement que le 29 mai la présentation faite le 20 sur les murs du Centre Fleury Goutte d’Or-Barbara. Même s’il y était joint un compte rendu de la séance du 20 mai, le délai est long pour informer les habitants et citoyens qui se pressaient sous les slides du powerpoints et l’envoi de ces deux documents à la veille de l’ascension peut avoir privé certains de leurs destinataires d’une bonne réception.

D’où leur transmission ici, sachant que manquent toujours les documents demandés par Cavé Goutte d’Or le 19 avril 2019 et dont les représentants de la Direction de l’Urbanisme de la Ville de Paris à la présentation du 20 mai avaient annoncé l’envoi dans les jours à venir:

> La présentation du 20 mai 2019
> Le compte rendu du 20 mai 2019
> La liste des pièces demandées par Cavé Goutte d’Or.

Le mal en pire. Le projet officiel actuellement en concertation et débat détruit une nouvelle fois le quartier de la Goutte d’Or Sud. Capture d’écran de la présentation (page 32/41).

Pour la présentation officielle (que l’on peut donc lire ici), Cavé Goutte d’Or se réfère aux observations déjà formulées dans son billet du 21 mai, notamment en ce qui concerne :
– l’absence de concertation réelle avant le 20 mai 2019 (disqualifiant ainsi le titre « Rappel de la concertation déjà réalisée » utilisé pour le chiffre 2 de la présentation) ;
– la disqualification de la qualification de l’opération comme requalification, ou plus simplement : la contestation que requalification s’oppose à démolition et reconstruction (voir notre billet du 21 mai 2019).

Pour le compte rendu officiel (qu’on suit ici), on observe :
– 1. L’assistance n’a pas tant évoqué « la nécessité d’améliorer les modalités de concertation », comme le retient la Mairie, qu’elle a regretté l’absence de concertation jusqu’ici ;
– 2. La litanie de « pas de retour spécifique du public » concernant le projet général de l’architecte ESTRAN n’est pas représentative des débats : « Pas de retour spécifique du public sur la rue Boris Vian élargie », note en effet le CR officiel alors que Cavé Goutte (entre autres) a observé que, si cette idée était judicieuse, elle devait s’accompagner du renoncement à toute construction nouvelle, évitant ainsi le remplacement d’un escalier en goulet par un autre escalier en goulet, fût-il élargi ; ce qui implique que « pas de retour spécifique du public sur la gestion des accès au gymnase » relève également de la sollicitation car, dans l’opposition qui précède, il ne saurait y avoir un nouveau bâtiment entre le gymnase existant et l’escalier déplacé ;
– 3. Le titre « Inquiétude et questionnement sur la hauteur de la couverture du TEP » ne semble pas tenir compte de l’opposition formulée par beaucoup, dont Cavé Goutte d’Or, quant au principe même de la couverture du TEP, comme il ressort – en creux – de la mention selon laquelle a bien été enregistrée la « demande de Cavé Goutte d’Or d’obtenir le cahier des charges afin de connaître les motivations pour la couverture du TEP » (une demande dont on rappelle qu’elle figure déjà sous le label « texte de la mission confiée » dans la liste des documents demandés, transmise plusieurs fois aux institutionnels de l’opération depuis le 19 avril 2019).

M18 ou comment tuer le commerce
dans l’euphémisme

– 4. En indiquant que « la Mairie du 18e rappelle qu’il n’existe pas une commercialité très forte dans la Rue Boris Vian », le CR officiel ne donne pas l’image réelle de la critique faite (notamment – mais pas seulement – à la Mairie du 18e) quant aux présupposés qui sont les siens et qui enferment le quartier dans un ghetto socio-associatif que plusieurs éléments du projet présenté le 20 mai viennent encore renforcer. Le défaut de commercialité du secteur n’a pas été considéré par l’assistance comme une donnée devant impérativement guider tous les projets à venir, mais au contraire comme une conséquence malheureuse des précédentes erreurs d’aménagement.

L’attribution des locaux à réaménager, créer ou requalifier en partie basse du projet (actuel passage sous pilotis qui peut être en partie excavé car le parking peut être réduit) à des associations ou au café social de l’angle des rues Dejean et des Poissonniers ne sauraient répondre à la demande commerciale formulée tant par les riverains que par les commerçants déjà installés. La loi de l’offre et de la demande s’oppose ici à la loi de la jungle. Loin de s’en inquiéter, les commerçants en place ne rêvent en effet que d’une concurrence légale venant remplacer la concurrence illégale des dealers et autres commerces clandestins tolérés sinon encouragés par la Mairie et surveillés sinon filmés par la Préfecture de Police

De tout cela, la deuxième session du Comité de suivi devra débattre sérieusement car il semble bien que les rédacteurs du CR officiel n’ont pas tout compris.

« Intervention d’architectes du quartier »

Last but not least, le CR officiel est parfaitement fairplay en évoquant la présence des architectes de l’Atelier 26 dont il pose qu’ils ont effectué un « travail avec les étudiants de l’école d’architecture de la Villette » (extrait du CR).

La maquette in situ, terrasse du Chien de la Lune, 29 mai 2019. De gauche à droite : Auguste Cicchi, Guillaume Zeganadin, Sonia Bouzellata, Loïc Guézo, Olivier Ansart, Alexandre Besnardeau (Photo CGO).

À l’invitation initiale de Cavé Goutte d’Or, l’équipe d’Atelier 26 avait présenté un projet doté d’une maquette ‘participative’ (nous pardonnera-t-on le mot ?) qui permet de déplacer les montagnes, mais pas que. Devant la maquette dévoilée une première fois le 2 mai 2019 à l’occasion de la traditionnelle Saint Boris sur le TEP Goutte d’Or (voir notre « Forces vives »), offerte ensuite à l’appréciation du public du 20 mai (institutionnels aux 17 feuillets dans la main et simples participants aux yeux rivés aux murs confondus), les habitants du quartier purent entrer jusque dans les tréfonds du parking et sur les toits du gymnase.

Le CR du comité de suivi du 20 mai 2019 en retient un « diagnostic du quartier partagé avec l’équipe de maîtrise d’œuvre désignée (notamment sur le besoin d’animer la rue Boris Vian) » ; l’idée défendue par Auguste Cicchi de « superposition programmatique dans le projet porté par la Ville plutôt que mixité programmatique » (notre billet du 21 mai 2019) ; la proposition de « placer le TEP sur le toit du gymnase, démolir le TEP (existant) et laisser un espace le plus ouvert possible ».

 Vers « un effort architectural important » ?

Une direction du Comité de suivi ouverte à ce qui a été nié au quartier depuis 1993 – « un effort architectural important » – c’est le défi que n’aurait jamais osé lancer Cavé Goutte d’Or.

  • Itinérance de la maquette : du 4 au 16 juin 2019, période englobant la deuxième session du Comité de suivi le 12 juin et les Portes ouvertes des ateliers d’artistes de la Goutte d’Or du 14 au 16 juin, la maquette de l’Atelier 26 sera exposée en divers lieux du quartier. Inauguration de l’itinérance le 4 juin à 18 h 30 au Chien de la Lune (angle Pierre L’Ermite/Jessaint). Renseignements sur les lieux d’exposition ici.
Cet article, publié dans Articles, est tagué , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.